lundi 29 septembre 2008

The life of my choice


C'est le titre de l'autobiographie de mon explorateur favori, Wilfred Thesiger. S'il ne fallait lire qu'un livre sur l'Ethiopie, ce serait celui-là.

Tout y est : un exposé clair de l'histoire du pays, des cartes précises, le récit des différentes explorations de l'auteur - qui, je le rappelle, a été le premier à remonter le fleuve Awash (1933, à 23 ans) et à se faire accepter des Danakil.

Document irremplaçable également sur d'autres régions du globe, peut-être définitivement perdues: le Darfour, les marais de Bassora ou le Kurdistan irakien.

Thesiger soutient l'idée qu'il ne faut pas imposer nos habitudes, nos codes sociaux, notre religion, bref notre civilisation, à tous ces peuples qui ont vécu à l'écart jusqu'à maintenant, et qu'il faut les laisser évoluer à leur rythme. Que nous leur avons apporté plus de mal que de bien.

Je suis assez d'accord, en théorie.

Un contre-exemple: les femmes Danakil sont non seulement excisées mais infibulées (les grandes lèvres sont cousues, ne laissant qu'un étroit orifice); au moment des premiers rapports sexuels, l'homme doit souvent élargir le passage... à l'aide d'un piquet de tente ou de son couteau; les femmes sont recousues après chaque accouchement. On me dira sans doute que puisque les femmes l'acceptent, il n'y a pas de problème.

Je vous laisse à vos conclusions personnelles.

Mais laissons Thesiger en dehors de ce débat: il doit à son charisme très british, son autorité tranquille, sa vie ascétique, son sang-froid et son absence de mépris d'avoir été accepté et estimé partout où il est passé. Des hommes de cette trempe sont très rares...

Les Afars


Autrefois, on les appelait les Danakil; c'est un pluriel, un Dankali, des Danakil; comme un Targui, des Touareg.

Divisés en de nombreuses tribus souvent antagonistes, ils peuplent l'est de l'Ethiopie; pas seulement la dépression Danakil, cette région très chaude dont je parlerai bientôt, mais toute la vallée de l'Awash jusqu'à Harar au sud, et jusqu'à la frontière de la république de Djibouti à l'est.

Ils ont mauvaise réputation. Essentiellement pasteurs, ils lorgnent souvent les troupeaux des voisins. Pour devenir un homme digne de ce nom, ils leur fallait tuer et castrer quelques victimes; j'emploie l'imparfait dans l'espoir que cette sanglante coutume relève du passé. Autrefois ils se contentaient de lances et de poignards; le colonialisme de l'ère moderne leur a apporté le fusil. Les Français de l'ancienne Djibouti les ont fourni abondamment en armes, d'autres trafiquants ont suivi, et depuis cet accessoire ne les quitte plus...

Ils sont musulmans, contrairement aux Ethiopiens amhariques qui sont chrétiens orthodoxes monophysites (comme au Soudan)

Le livre en illustration est l'oeuvre d'un journaliste, Freddy Tondeur, qui a parcouru une partie de l'Ethiopie en 1973, au début de la dictature communiste de Mengistu.

N'ayez crainte, les cours d'histoire suivront !!

vendredi 26 septembre 2008

Djibouti


Je sens que je vous ennuie avec tous ces livres que vous ne lirez jamais...alors revoici un peu de géographie ! La république de Djibouti fut une colonie française jusqu'en 1977; elle s'appelait alors la Côte française des Somalis. L'histoire de Djibouti est inséparable de celle de l'Ethiopie, et tous ces lieux que vous voyez sur la carte, Tadjoura, Obock, Dikkil, les lacs Abbé et Assala ... se retrouvent dans les récits de Thesiger ou de Burton; un chemin de fer mythique relie Addis Abeba à Djibouti, encore aujourd'hui.

Je regrette beaucoup de ne pas avoir prévu quelques jours à Djibouti pour compléter mon voyage; une autre fois peut-être...

J'ai trouvé à Lille un livre consacré aux vieilles photos de Djibouti et je le parcours avec nostalgie: il donne vie aux récits que je dévore.

Personnalité discutable mais incontournable


Henri de Monfreid (1879- 1974), aventurier, industriel, planteur, trafiquant (armes, stupéfiants, perles et même esclaves), écrivain, aquarelliste...Il semble avoir pratiqué tous les métiers, avec plus ou moins de chance, en France d'abord, puis à Djibouti et en Ethiopie. Une vie de roman, pas toujours en droite ligne; quelques séjours en prison, et une prise de position fâcheuse en faveur de Mussolini et du régime de Vichy pendant le deuxième guerre mondiale. Une personnalité complexe, qui le pousse à se convertir à l'islam (conviction ou opportunisme ?), qui le rend très populaire parmi les indigènes mais en butte régulière contre l'establishment; relations difficiles avec le Negus (Haïlé Sélassié, le dernier empereur d'Ethiopie), qui l'expulsera finalement du pays. Un homme à femmes, enfin, égal à lui-même dans l'absence de scrupules, et une grande dureté et indifférence envers ses nombreux enfants. Il fascine cependant, et son premier livre, Les secrets de la mer rouge, reste une référence du genre.

jeudi 25 septembre 2008

Richard Burton n'est pas mal non plus...


Pas l'acteur, bien sûr ! L'inclassable Sir Richard Burton (1824-1890), aventurier - il fut le premier à atteindre La Mecque, déguisé en pélerin, et le premier à pénétrer à Harar, la deuxième ville sainte (en Ethiopie) et à en resortir vivant..., explorateur - il découvrit les sources du Nil (en Ethiopie également), avec son rival Speke, érudit -il connaissait des dizaines de langues orientales et a superbement traduit les 1000 et une nuits, poète, écrivain et rassembleur de textes rarissimes sur les pratiques amoureuses les plus secrètes, archives scandaleuses qui seront brûlées par sa femme après sa mort.

Mon préféré: Wilfred Thesiger


Un explorateur de légende, un homme exceptionnel... Né en Ethiopie en 1910, il y revint après ses études à Eton et Oxford, invité au couronnement d'Halié Sélassié; à partir de ce moment il commence une vie d'errances.

Carnets d'Abyssinie relate, dans un style remarquablement concis et british, sa remontée du fleuve Awash jusqu'au lac Abbé, en traversant le territoire des féroces Danakil, ce que personne n'avait fait avant lui, et il n'avait pas 25 ans...

Je vous renvoie à des sites bien documentés, et surtout à de superbes photos.



mercredi 24 septembre 2008

Entre ciel et terre




Par un jeune ethnologue allemand, Bernd Bierbaum, également guide de voyages d'études. Impressions du nord, monastères, cérémonies orthodoxes, ermitages isolés dans la montagne, et ce fameux monastère, Debre Damo, inaccessible au sommet d'un piton rocheux, qu'on ne peut atteindre qu'à l'aide d'une corde...


Cette épreuve me sera épargnée; à l'instar du Mont Athos en Grèce, les femmes ne sont pas admises (aucune femelle, pas même les poules...).


Censuré


Le titre est clair: Les nuits d'Addis Abeba, et ce n'est pas pour les bégueules ni les manchots. A travers des histoires de filles de bar, d'ivrognes et de bagarreurs, un plaidoyer contre la misère et le désespoir; à transposer dans n'importe quel pays du tiers-monde, mais écrit par un Ethiopien, en langue amharique, et longtemps interdit dans son pays... Publié depuis peu en Ethiopie, mais expurgé; une voix pour la liberté d'expression, contre le moralisme religieux et le conformisme social.

Souvenirs d'un voyageur


Marc de Gouvenain, Retour en Ethiopie

Observations de trois voyages au pays des Negus, 1970, 1989, 1990; souvenirs, rencontres; déserts, jungles, animaux, insectes, et surtout les gens, tous ces peuples qui restent pareils malgré les changements politiques, dans ce pays à la fois paradis et cauchemar.

Style un peu trop pédant à mon goût; mais Gouvenain connaît bien son affaire, et les illustrations sont belles et instructives (de jolis dessins); il aime l'Ethiopie et veut transmettre sa passion. Marc de Gouvenain, grand voyageur devant l'éternel, est directeur de collection chez Actes Sud.

mardi 23 septembre 2008

Un peu de littérature


Jean-Christophe Rufin, L'Abyssin, relation des extraordinaires voyages de Jean-Baptiste Poncet, ambassadeur du Negus auprès de Sa Majesté Louis XIV.

Des aventures dignes de Pirate des Caraïbes, intrigues, amours contrariées, traîtrises en tous genres, dangereuses caravanes, faste, panache, orgueil, personnages hauts en couleur, le tout dans un style d'une rare élégance et un humour raffiné. Passionnant de bout en bout. Où l'on découvre la cour du Negus d'Abyssinie, pays mystérieux fermé aux étrangers, en cette année 1699. Une histoire vraie, sous l'aspect d'un roman d'aventures orientales.

Autre indipensable introduction


Le guide Olizane, le meilleur qui soit...

Fabuleuse Ethiopie, pays de la reine de Saba et du légendaire Prêtre Jean...
Je ne résiste pas à recopier les vers de Magali (voir les commentaires)
Merci, Magali, de nous faire rêver avec la magie des mots !
Aux alizés d'Olizane
Nul vent n'est comparable
Soufflant sur la caravane
L'ocre poussière du sable...

Une magnifique introduction


Rien de tel que la BD pour attiser l'imaginaire ! Hugo Pratt, le père de Corto Maltese, a vécu sa jeunesse en Ethiopie: il sait donc de quoi il parle. Les quatre histoires sont précédées d'une introduction historique, voilà pour vous mettre dans le bain. Et vous n'en sortirez pas indemne ! Moi j'avoue un faible pour Cush et sa branche de khat... Déjà je rêve de rencontrer son homologue en pays Afar.

lundi 22 septembre 2008

Une vue plus précise...

Capitale: Addis Abeba
Nord-ouest: région montagneuse (Simien), population orthodoxe, nombreux monastères, notamment sur le lac Tana; villes royales: Gondar, Axum
Nord-est: dépression Danakil, 160m sous le niveau de la mer, région la plus chaude du monde, volcans, lacs salés, paysages dantesques, peuple Afar, proche de l'Erythrée (séparée de l'Ethiopie)
Est: population musulmane, ville sainte de Harar, territoire Afar autour du fleuve Awash
Sud-est: Ogaden: région dangereuse, toujours plus ou moins en guerre contre la Somalie
Sud: vallées du Rift et de l'Omo, nombreuses tribus ayant gardé leurs traditions, parcs nationaux
Voilà donc un léger aperçu géographique, qui vous permettra de suivre ce que je raconte !

Et si on observait les cartes ?


Commençons par le commencement !


Oui oui Lucy a été trouvée sur le sol éthiopien, en pays Afar exactement (nous y reviendrons), 52 os de 3 180 000 ans, rassemblés en un squelette non pas complet, mais très reconnaissable; Lucy serait une demoiselle australopithèque d'une vingtaine d'années, mesurant entre 1m et 1,20m, pesant entre 20 et 25 kgs, bipède et arboricole; on peut la considérer comme la grand-mère de l'humanité, même si nous ne descendons pas directement du type australopithèque.

J'ai lu ce livre - écrit par l'un des trois découvreurs de notre ancêtre - et je l'ai compris à 50% !! Un peu trop scientifique pour moi, même si Yves Coppens se veut vulgarisateur. Je reste humble, mais je ne manquerai pas d'aller admirer Lucy (enfin, sa réplique) au musée d'Addis Abeba.

Pourquoi se préparer ?

"L'inde a été ma première rencontre avec l'altérité. Cette découverte exceptionnelle et fascinante a par ailleurs été pour moi une immense leçon d'humilité. Je suis revenu de ce voyage honteux de mon ignorance, de mon manque de culture et de savoir. Cette expérience m'a fait prendre conscience qu'une autre culture ne dévoile pas ses mystères d'un simple coup de baguette et que la connaissance d'autrui nécessite une longue et solide initiation."
Mes Voyages avec Hérodote, Ryszard Kapuscinski

Pour ma part, j'ai découvert l'altérité bien avant d'aller en Inde; dès que l'on passe une frontière, quelle qu'elle soit, il faut réviser nos préjugés, ce qui ne peut se faire par l'observation seule. Je n'aime pas débarquer sans savoir où je vais. Et quelle meilleure préparation que les livres ?

Pourquoi voyager ?

"Cent raisons vous appellent à partir. Vous partez pour toucher les identités humaines, pour peupler une carte vide. C'est le coeur du monde, pensez-vous. Vous partez pour rencontrer les formes changeantes de la foi. Vous partez parce que vous êtes encore jeune et avide de stimulation, avide d'entendre crisser vos chaussures dans la poussière. Vous partez parce que vous êtes vieux et que vous avez besoin de comprendre quelque chose avant qu'il ne soit trop tard. Vous partez pour voir ce qui se passera."
L'ombre de la route de la soie, Colin Thubron