Avec Santi, la discussion prend évidemment une tournure plus intéressante. Son job le met constamment en contact avec des étrangers, mais il m'avoue que rarement les discussions dépassent le côté professionnel; jamais il ne convoie une seule personne, et forcément les conversations peuvent prendre une tournure plus personnelle. Lui aussi véhicule pas mal de préjugés sur l'Occident, mais surtout une grande ignorance. Il m'apprend l'Ethiopie et moi je lui apprends l'Europe.
Une fois nous parlons d'assurances, et il fait le compte des assurances obligatoires que nous payons, plus celles que nous estimons indispensables: le chiffre obtenu lui donne des frissons ! Il me demande le prix des loyers, des voitures, de la nourriture... et il comprend qu'avec 1000 euros on ne fait pas grand chose en Europe.
En Ethiopie, on survit avec 1 dollar par jour, parfois moins; lui gagne 700 birrs par mois (environ 70 dollars), et il s'estime heureux: il a un job. 80 % des jeunes sont sans emploi, malgré les diplômes. L'Ethiopie est essentiellement agricole, mais les fermiers ont trop d'enfants et pas assez de terre pour les employer tous; alors les jeunes rejoignent le mirage des villes et vont grossir le troupeau des oisifs.
Santi est persuadé qu'une politique de contrôle des naissances est indispensable; elle est commencée mais se heurte aux traditions religieuses...80 millions d'Ethiopiens, contre 70 millions en 2004 !
Lui ne songe pas à l'immigration: il veut "réussir"dans son propre pays. Il mise sur le développement du tourisme et rêve de fonder sa propre compagnie.
Il me parle aussi du régime politique (qu'il n'apprécie pas), de la récente guerre civile, gagnée par les Tigréens, qui sont maintenant au pouvoir, évinçant les Amharas, depuis toujours fournisseurs d'empereurs... il ya 80 ethnies différentes en Ethiopie (certaines comptant à peine 1000 membres) et malgré une apparente entente, je perçois un antagonisme entre les principales, Tigréens, Amharas et Oromos. Rien de nouveau sous le soleil.
Je lui parle aussi du racisme et du virage à droite, voire à l'extrême-droite, de l'Europe; l'Afrique n'en est pas vraiment consciente, dit-il, mais dans ce domaine, elle fait désormais confiance à ... Obama.
Impossible de résumer tout ce que nous avons appris l'un de l'autre en 30 jours de voyage côte à côte... mais je suis prête à répondre aux questions qui vous viendraient à l'esprit...
NDLR Santi est amhara
Photos: des enfants partout...
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